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For A Fistful Of Records
7 juillet 2006

Reduction Song /// Achète, achète, achète-moi

Parlons un peu d’un phénomène musical hautement intéressant, que tout un chacun n’aura pas manqué de remarquer : les opérations « promo » menées par les disquaires. Intéressant, en effet, alléchant même : qui peut décemment résister à l’envie d’acquérir, une fois le tri fait et les horreurs ne valant même pas un centime écartées, d’excellents disques à bas prix (entre 5 et 12 € pour la plupart, le prix étalon de ces opérations étant le très fréquent « 8.99 € ») ?
Beaucoup de gens, nous sommes d’accord. Mais surement pas moi et j’ose espérer qu’il en est de même pour vous, qui lisez ces lignes. Bref. Ce phénomène a un impact particulièrement décisif sur deux générations, deux groupes d’amateurs de musique bien particuliers.records2
Tout d’abord, honneur aux anciens. Ceux qui ont connu l’ère glorieuse de l’avant-Cd sont des cibles idéales pour ces opérations. En effet, elles leur offrent l’opportunité de racheter leurs classiques préférés (les Rolling Stones, les Byrds ou encore les Beach Boys sont des références que l’on croise régulièrement dans les bacs à soldes) à bas prix, ce qui leur évitera d’user un peu plus encore leurs beaux vinyles, objets certes décoratifs mais dont le caractère périssable est indéniable. Evidemment il y en aura toujours pour dire que « ah ben oui mais le son est plus beau, plus chaud avec les vinyles ». Possible. C’est sûr que, lorsqu’à force de craquements, les galettes noires sonnent comme des feux de cheminées, il se peut qu’inconsciemment on commence à ressentir de la chaleur. Mais nous nous éloignons du sujet.

La seconde génération-cible pour les opérations « promo » : nous, les jeunes de l’ère du graveur, dont la collection de disques-fi. C’est peut-être triste. N’empêche que niveau démocratisation, on fait difficilement mieux, et que désormais toutes mes ex-petites amies possèdent, entre le dernier Vincent Delerm et leurs vieux singles des Spice Girls (« oui, mais j’étais jeune ! », et alors ? les poubelles c’est fait pour quoi ?), au moins un exemplaire de « Unknown Pleasures » de Joy Division, assorti d’un Godspeed You ! Black Emperor ou d’un Fugazi. Le strict minimum quoi. Bref. Recentrons le sujet. Si beaucoup d’entre-nous sont toujours dans leur phase « seule la musique compte, elle est gratuite sur Internet, pourquoi acheter des disques ? », peu à peu, l’esprit du collectionneur reprend le dessus. Lassés de voir s’accumuler dans leur discothèque personnelle les tranches de Cds écrites à la main et les pochettes photocopiées, d’aucuns se mettent à rêver de racheter un jour toutes leurs références. Or, c’est plus ou moins ce que leur proposent ces fameuses opérations. A votre avis, pourquoi retrouve-t-on souvent dans les bacs relayant les promos la totalité des albums de Nirvana ? Les fans d’époque avaient acheté « Nevermind » en 1991. Mais ils l’ont depuis grdisquesavé à leur petit frère, à leur petite cousine, à leurs parents qui ont toujours hésité à lâcher 17 € pour enfin le posséder « en vrai ». Lorsque le prix se trouve réduit de moitié, les réticences se font plus légères et il n’est pas rare qu’elles craquent face à l’envie. C’est diabolique. Oui, mais c’est tellement bon de remplacer la copie par l’original. Cette petite fierté maniaque nous emplit de joie. A cet instant, l’adolescent gravophile a passé une étape. Il accède à la catégorie des collectionneurs et fait définitivement une croix sur son entrée dans celle des adultes. Il n’y a qu’un pas du furetage dans les bacs à soldes, à la recherche de la « vraie » version de « Psychocandy » de The Jesus & Mary Chain, à la fouille compulsive des piles de vinyles lors des conventions de collectionneurs, dans une quête (désespérée, soyons réaliste) de l’édition américaine originale de « Fun House » des Stooges.

 

Bienvenus chez les fous. On y est très bien.

 

A cet instant, vous vous demandez : « mais où veut-il en venir ? » C’est très simple : aux disques dont j’ai fait l’acquisition lors de mon dernier passage du côté des promos. Un conseil aux néophytes : tenez-vous en éloignés, on y touche une fois et puis on est grillé, condamné à passer le reste de sa vie à inspecter constamment ces foutus bacs en espérant retomber sur cet album de Slint à 8 € (pourquoi je ne l’ai pas acheté ? pourquoi ?!!!!?). Bref, encore une fois. Les opérations promo réservent toujours de bonnes surprises. L’autre jour, j’ai eu la joie d’y trouver cinq excellents albums.

 

QOTSA_Songs_For_The_Deaf« Songs for the deaf » des Queens Of The Stone Age, pour commencer. Comment ai-je pu vivre tout ce temps sans posséder un original de cette merveille de rock déjanté ? Oh, bien sûr, j’ai usé jusqu’à la moelle ma copie sur Cd-r. J’ai dû écouter « No one knows » un demi million de fois. Mais quel bonheur de revenir ad domus avec ce boîtier cristal, même s’il faut dire que l’artwork est laid à pleurer. C’est le geste qui compte. Portishead_Dummy

Deuxième trouvaille, qui n’en est pas une, tant la bête est monnaie courante dans les bacs à soldes : « Dummy » de Portishead. Un classique pour ma génération. Mais combien d’entre-nous l’ont acheté ? Ca y est, je l’ai fait. Je sais pas vous, mais je me sens vachement mieux.

Tom_McRaeTroisième choix, plus rare : le premier album, éponyme, de Tom Mc Rae. Ca en fera peut-être rire certains, mais moi cela m’émeut. Les morceaux y sont superbes, Mc Rae reprenant, en les actualisant, les choses là où Chris Isaak, s’étant égaré en chemin, les avait laissées avec « Wicked Game ». Une voix déchirante, des sonorités un peu faciles, certes, mais tellement efficaces, un vrai talent de songwriter (« You cut her hair » est un bijou, tout comme « Sao Paulo Rain »), que demander de plus ?
Quoi qu’en disent les moqueurs, ce disque est beau.
Na !

Sonic_Youth_Murray_Street

Quatrième étape : « Murray Street » de Sonic Youth. Partant du principe que tout ce que fait Sonic Youth est superbe, on peut décemment acheter tous leurs albums. Personellement, celui-ci reste mon préféré. C’est le premier que j’ai écouté (eh oui chers amis, j’avais quatre ans à l’époque de « Goo »), et les mélodies les plus belles, à mon sens, jamais écrites par les new-yorkais sont sur ce disque. « The empty page » est une perfection rarement atteinte en pop-music.
Si je le dis, c’est que c’est vrai.

Nick_Drake_Five_Leaves_LeftEnfin, last but not least, un classique, un vrai : « Five leaves left » de Nick Drake. Si vous ne comprenez pas ce qui peut pousser les gens à écouter la folk dépressive de Nick Drake, c’est que vous n’y avez jamais tenté une oreille, auquel cas il est temps d’y remédier. Après tout, les opérations promo sont également là pour ça : ce disque dont vos amis vous ont tant et tant rabâché les oreilles, sans jamais pour autant vous en avoir fait écouter une seule note, vous pouvez l’acquérir à peu de frais et enfin leur balancer en travers de la gueule : « non, moi les mecs qui pleurent sur leur guitare acoustique en se flagellant avec les cordes, ça m’intéresse moyennement ».

 

Mais si vous faites ça, alors je ne réponds plus de rien.

Clint

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Commentaires
I
je préfére mal te lire et aller regarder un match de foot sous la pluie.
I
je préfére mal te lire et aller regarder un match de foot sous la pluie.
I
La fin du roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451 m'interroge. Se doit-on de posséder une oeuvre ?<br /> Cette idée d'acheter pour l'objet et de passer une étape comme Boudha lâché chez un disquaire acquérant la sagesse à coup d'acquisition de chefs-d’oeuvre de la culture musicale des 50 dernières années...même si cette prétendu étape le fait rentrer dans le monde de Peter Pan, cela me semble un peu fallot.<br /> Le développement a l'échelle des masses d'un échange artistique basé sur la gratuité est probablement un des événements les plus notable de ces dernières années. Mais plus encore il rend l'idée de collection ou de possession de l'art complètement versatile. La technologie rendra obsolètes et même illisibles à un rythme constant tout collections, dans la valse des formats et des supports..<br /> Prépare toi et entraine tes collégues Beatlesmaniaque de la rédaction à apprendre par coeur leurs disques favoris.<br /> <br /> Putain je m'enmerde ici. Je rentre Lundi à Morlaix. Je vais m'acheter un Goethe.
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